Carnets

Ô Barcelone

Crédit : Eva Byele

Ô Barcelone, vaste et multiple, unique et petite ! En ton cœur, nombre de quartiers, chacun abritant une Barcelone. Antique et moderne, nouvelle et moderniste, tu regorges d’abris, de parcs et de plages, tes montagnes, non loin, te protègent. Face à la mer, tu es fière.

Diverse, ton identité est complexe. Ton visage peut être sombre et sordide, joyeux et estival, enfantin et fantastique. Cosmopolites et attachés aux pueblos, tes habitants sont les dignes représentants du monde. Combien de langues entend-on chaque jour dans la rue ? Telle est la diversité, telle est la complexité, telle est la modernité !

Jouis-en, elle est ta richesse. Tes enfants sont bilingues, trilingues. À l’image d’un monde en constant changement. Protège ton patrimoine mais ne ferme pas tes portes aux mondes. À force de trop vouloir se protéger, on se replie sur soi. Tu fais partie d’un tout, tu fais partie d’une histoire. Certes, tu la rejettes et revendiques la tienne. Cultivés, tes enfants, en ton sein, le sont. Ils ont conscience des richesses inestimables de cette terre qui a donné naissance à Dalí, Gaudí et Picasso.

Le soleil, toute l’année, pointe le bout de son nez. Mais le vent est là pour veiller au grain et s’assurer qu’il ne fasse point trop chaud. Le ciel bleu, toujours, est au rendez-vous. Joie de vivre te caractérise.

Une certaine misère existe, rejetée dans les bas-quartiers, là où il fait si sombre que l’on craint de s’y promener. Des vieillards édentés dans des bars, accoudés, boivent pendant que des femmes à la voix rauque et à la peau flétrie rient d’une voix nasillarde.

Ville des excès ? Assurément ; la drogue des pauvres côtoie celle des riches. Ceux qui tentent d’y réchapper, y tombent comme attirés par un pot de miel. Les fêtes attirent aussi un monde étrange et étranger au reste du pays.

Toutes les couches de la société existent mais ne se côtoient pas. Tels des mondes parallèles, les riches restent en haut, les plus pauvres en bas. Les immigrations sont tantôt européennes, tantôt sud-américaines. Violence et racisme côtoient soirées et festivités.

Mais, ô, Barcelone, tu m’as apportée une liberté, une joie de vivre infinie ! Tu m’as appris à profiter de la vie et à jouir de chaque instant. Dans ton sein, je me sens si bien. Ta richesse et ta diversité sont tes trésors, prends-en soin. Point de radicalisme, le passé nous a trop enseigné ce qu’il donnait.

Je te souhaite, comme toujours, de te régénérer, d’avancer tout en restant toi et de ne point te perdre. Il est vrai qu’ici, on n’est point en Espagne, on est dans un ailleurs, la Catalogne. Le regard toujours tourné vers la France et sa culture, la Catalogne admire et de l’autre rejette. Naïve, peut-être, oserais-je dire, elle croit en un idéal, une utopie : l’indépendance.

Mais après tout, si c’est ce que veut son peuple, n’a-t-il pas le droit de l’obtenir ? Espérons que le réveil ne sera pas trop plein de désillusions… Il faut être lucide, réaliste et en même temps, sans le rêve, que sommes-nous ?