Réflexions

N’oublions pas

Crédit : Eva Byele

Des images devant moi d’hommes en rang, qui lèvent le bras comme un seul homme, qui scandent le même « hourra ! » à chaque injonction de leur « maître » au Venezuela. Des militaires assis qui sur le côté applaudissent d’un air condescendant leur chef, le regard dur, le visage fermé. Ces images sentent la guerre, elles rappellent particulièrement celles où Hitler scande ses idées antisémites, xénophobes et nationalistes à des troupes hypnotisées qui n’ont plus de cerveau, de conscience, de libre pensée.

D’un bout à l’autre de la planète, d’une époque à l’autre, les hommes sont condamnés à faire et à refaire les mêmes erreurs, à commettre les mêmes exactions. Tant que la volonté de domination et de pouvoir continuera d’exister dans le cœur de l’homme, prenant même sa place, la guerre sera la norme et la paix, une exception, une période temporaire, toujours en péril entre deux guerres.

Mon sang se glace devant ces images qui font volontairement peur, je repense à l’Armée rouge, à Staline, je vois défiler devant mes yeux tous ces chefs militaires, tous ces hommes faisant sortir le pire de l’humanité au nom du nationalisme, de grands principes soient disant égalitaires qui, en fait, ne font que servir une bureaucratie grandissante et asservissante et imposer une nouvelle forme de tyrannie.

Il semble que les hommes préfèrent être aveugles et aveuglés, ils préfèrent ne pas penser, ne pas réfléchir, ne pas se poser de question. Ils préfèrent suivre comme des moutons de Panurge des « maîtres », des chefs qui leur promettront monts et merveilles.

Il faut se rappeler de Stefan Zweig qui constate avec horreur que, dès 1919, ses concitoyens semblent oublier la boucherie que fut la Première Guerre mondiale. Et que, déjà, certains glorifient à nouveau la guerre, ses héros et semblent prêts à reprendre les armes pour défendre leur territoire, attaquer leur voisin… Comme dit le poète Maurice Genevoix qui a vécu l’horreur des tranchées : « L’homme est une machine à oublier ».

Et quid de tout cela dans cette période trouble que nous vivons, à quelques jours des élections présidentielles en France ? Quel vendeur de rêves, de faux espoirs, quel pourvoyeur du nationalisme, de cette utopie créée de toutes pièces, les Français vont-ils croire ? Quelle incarnation politique vont-ils choisir ?

Est-ce vraiment choisir entre « la peste et le choléra » comme me disait une amie il y a quelques jours ? Peut-être. Malgré cela, il faut quand même agir, continuer de se battre. Quand les nationalismes s’exaltaient dans les années 1920-1930 en Europe, comme nous le voyons de nouveau aujourd’hui dans le monde, la France, elle, n’avait pas de partie d’extrême droite à sa tête, espérons que nous en soyons préservés à nouveau.

À l’heure où les couleurs politiques s’uniformisent aux États-Unis, en Pologne, Hongrie… espérons que la France soit fidèle à elle-même et n’aille point chercher dans les extrêmes une « fausse solution ». Ce serait seulement la solution du repli, de la peur, de la haine qui ne ferait que creuser les écarts qui existent déjà entre les Français, ne faisant qu’attiser les divergences au lieu de nous focaliser sur nos ressemblances, ce qui faisons que nous sommes unis malgré nos différences.

Car nos différences sont égales à nos richesses. Ne nous tirons pas une balle dans le pied ! N’oublions pas que nous sommes avant tout des « citoyens du monde » et que les combats qui doivent nous animer sont plus grands, plus importants, plus universels que ceux auxquels veulent constamment nous ramener certains politiciens, à savoir des problèmes purement et simplement de frontières et de nationalités.

N’oublions pas que les hommes et les femmes étaient libres de traverser les frontières d’un pays à l’autre en Europe sans pièce d’identité avant la Première Guerre mondiale ! C’est de nouveau Zweig qui le raconte si bien. C’est seulement depuis la déchéance de nationalité des Russes – blancs – et des Arméniens que le « passeport Nansen » fut créé en 1922 pour apporter une « protection» à ces populations.

Rappelons-nous un peu ce temps. Et celui aussi où les Français, les Italiens, les Allemands, les Espagnols et les Russes se faisaient la guerre… l’Europe est le socle qui nous a protégé depuis plus de 70 ans contre ces guerres fratricides, ne l’oublions pas !