Ça sent les épices et le curry dans ce café typique barcelonais ! Il y fait bon vivre, il est un peu trop bruyant à certains moments de la journée mais j’aime la différence qu’il brasse.
Des gens de toutes les classes sociales y viennent prendre leur petit déjeuner, les ouvriers, les éboueurs, les hommes d’affaires, les écrivains, des hommes étranges comme hier où un homme immense avec les cheveux longs relevés en un chignon très haut et rasé en dessous, un pantalon très large comme on en porte en Asie et une immense veste, est entré, il ressemblait à un judoka, un yogi ou autre.
Ce matin, un homme de soixante-dix ou quatre-vingts ans déguste du pan con tomate avec du fuet, au couteau et à la fourchette avec un verre de vin rouge.
Le barman est très amène, sympathique avec son crâne d’œuf, ses petites lunettes et son bon sourire. Je m’y suis tout de suite sentie bien. Au mur, des photos du café à l’époque, au XIXe siècle et de la place sur laquelle il donne.
Les photos ont terriblement blanchi mais on voit encore les serveurs élégants avec leur plateau et leur demi qu’ils apportent dehors, en nœud papillon et costume noir ou plutôt en veston noir sur une chemise blanche avec une sorte de jupe blanche.
Assis dehors sur les chaises, des hommes en chapeau, béret, regardent fixement et avec fierté l’objectif mais sans sourire. D’ailleurs, quelle bêtise de devoir toujours être obligé de sourire à l’approche de l’objectif !
Il y en a un, dans le fond, cependant, à la tête de benêt, de réjoui, qui sourit mais il en fait presque peur. Son torse est très maigre, on le devine sous sa chemise sombre et élimée. Il porte les mains derrière le dos, il a les pommettes saillantes et le teint très mate. Il se tient dans l’embrasure de la porte, derrière une table de convives.
Devant lui, assis, un homme à la moustache noire très large type Professeur Tournesol, il s’est découvert pour la photo on dirait. De l’autre côté de la table, un homme bien renfoncé dans son fauteuil arbore un air fier ! Les bras nonchalamment posés sur ses accoudoirs, il regarde d’un air de défi celui qui le photographie, le visage haut et fier, il semble le torero qui regarde son taureau avec toute l’assurance du monde que, lui, gagnera.
Devant lui, un jeune homme regarde, intrigué, en direction du photographe, il a des chaussures noires vernies qui contrastent avec le blanc de sa tenue. On ne sait d’ailleurs s’il porte un foulard noir ou rouge ou si c’est seulement le reflet ou l’ombre de sa tête dans son cou.
Il est bien coiffé, joli garçon, blond, aux cheveux bien coupés et ondulés, il a un regard sombre. Il est sûrement l’un des plus jeunes de la photo. À sa gauche, cependant, un autre jeune homme, semble-t-il, de son âge est là.
Sont-ils les fils de personnes présentes ou les fils de riches tout simplement? Car pour pouvoir s’offrir une mousse, il fallait être « riche ».
Dans le fond, adossé au mur, un homme très chic avec un chapeau blanc et un ruban rouge qui l’entoure est habillé d’un complet gris. Il porte un foulard blanc dans sa petite poche de devant.
Et devant lui, un homme dont le visage a presque disparu tant la lumière a tout mangé, il ne reste que son chapeau qu’il tient à la main avec fierté, et il porte également un béret. Au premier plan à gauche un homme dont on ne voit plus que les jambes. De quand date cette photo ? De 1880 ? Incroyable, non ?