Réflexions

Le référendum

Crédit : Eva Byele

Comment rester silencieux par rapport à ce qu’il s’est passé hier en Catalogne ? Hier, le 1er octobre 2017, un référendum – illégal – a eu lieu en Catalogne, bien que Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, affirme le contraire. Même si la majorité des Catalans n’a pas voté, 42,3 % de la population a voté après que tout ait été fait par les autorités espagnoles pour empêcher le vote.

Des milliers de personnes ont passé le week-end dans les établissements scolaires, publiques pour empêcher que les accès ne soient fermés ou qu’il n’y ait des vols d’urnes, ce qui a tout de même été le cas dans nombre d’endroits.

Ces urnes – comme si nous étions en pleine Seconde Guerre mondiale – avaient été cachées au préalable dans des cargaisons de pain ou autres… Et un grand nombre a été récupéré par la Guardia Civil ou la Policía. La suite, on la connaît, des centaines de vidéos, d’images ont circulé sur Internet, via whatshapp, montrant les votants en train d’être chargés, frappés, jetés à terre par les forces de l’ordre. Certains étant âgés, d’autres avec des enfants dans les bras ou encore des jeunes femmes…

Après ces images choquantes – que rien ne justifie –, les questions sont multiples. Pourquoi empêcher par la force des millions de personnes de voter si, de toutes les manières, ce référendum est considéré comme illégal par l’État espagnol ? Comment la police peut-elle frapper délibérément des gens en train d’attendre pacifiquement dans une queue pour voter ? Ô bien sûr, il y a eu également des cas de violence envers les policiers ! 33 d’entre eux ont été blessé contre plus de 900 personnes en face… D’ailleurs, pourquoi ont-ils utilisé des balles en caoutchouc pourtant interdites en Catalogne depuis 2014 ?

Suite à ces événements, Rajoy, qui se croit dans son bon droit, a clamé qu’il avait agi comme il le devait et que le référendum n’avait pas eu lieu ! Le président de la Généralité catalane, Carles Puigdemont, qui est à l’origine de ces élections illégales, a déclaré de son côté qu’il allait déclarer l’indépendance unilatéralement, considérant que les Catalans avaient gagné le droit à l’indépendance…

Je pense à toutes ces personnes que je connais, que j’aime, qui sont indépendantistes, et je pense à toutes celles que j’apprécie aussi, qui ne le sont pas, à cette majorité silencieuse qui souffre profondément de ce déchirement. On leur demande de choisir, en somme, entre deux cultures, deux langues alors qu’elles ne le veulent pas, ne le peuvent pas. Ces deux cultures et ces deux langues font partie intégrante de leur identité. Et ces personnes ne peuvent pas renoncer à l’une ou à l’autre, sinon ce serait nier une partie d’eux-mêmes… Ce serait comme de demander à un enfant : « Tu préfères ton père ou ta mère ? »

J’écoute autour de moi, je lis, je vois, j’entends… et j’interroge les uns et les autres sur leurs pensées, leurs sentiments. Certains ont les larmes aux yeux, ils veulent l’indépendance depuis si longtemps, leurs grands-parents déjà se battaient pour ! Ils ont donc reçu ce combat en héritage…

J’essaie de ne pas juger même si j’ai mes propres doutes, incertitudes et inquiétudes face au déni et à l’aveuglement à l’œuvre dans les deux bords. L’attitude de Madrid – et son inaptitude à discuter de l’indépendance de la Catalogne – ne fait que précipiter une crise qui, sans aucun doute, ne va faire que grandir. La radicalité des responsables catalans précipite également la Catalogne dans une insoumission et une illégalité face à la constitution espagnole. Ce qui est sûr, c’est que les chefs, qui ressemblent à deux enfants bornés, sont en train de mener l’Espagne à une impasse.

La journée d’hier va faire date, aussi bien dans l’Histoire de l’Espagne que dans celle de la Catalogne. La démocratie a été bafouée et l’on peut douter du bien fondé des politiques mises en place d’un côté comme de l’autre et de la capacité des responsables à diriger un peuple car, c’est lui qui trinque…

Des relents de la guerre d’Espagne se font ressentir dans tous ces évènements, dans ce déchirement fratricide qui a, de nouveau, émergé dans la culture espagnole et catalane. Espérons que des compromis puissent être trouvés – avec le moins de heurts et de violence possibles – pour que l’on puisse être dignement Catalan, Espagnol, ou les deux, sans avoir forcément à choisir, à se couper d’une part de soi, tout en reconnaissant l’identité catalane et que les droits fondamentaux soient respectés…

Ce n’est pas en bâillonnant un peuple, qu’on le mène à la « raison » mais c’est ainsi qu’on le radicalise et que l’on soulève une révolution ! À l’heure où le monde gronde de tant de conflits et où il faudrait « s’unir pour faire la force », le démantèlement de notre chère Europe est à l’œuvre un peu partout… Nous devrions pouvoir nous sentir Catalan, Espagnol, mais surtout Européen et Citoyen du monde !